Séjour Février 2017

 

 

Compte-rendu Népal 2017

 

                Nous sommes revenus du Népal depuis 3 mois maintenant et ce pays continue de nous habiter au quotidien. Nous suivons les évènements qui s’y passent ou dans ceux de notre petite communauté car la vie ne s’arrête jamais. Vous allez prendre connaissance de tous ses acteurs qui fondent notre action :

 

                1/ Les familles, 1-1 nouvelles (pages 1 à 3) ou 1-2 plus anciennes (pages 3 & 4),

                2/ Les 15 écoles (pages 4 à 5)

                3/ Les 4 commerçants qui fournissent les denrées mensuellement (pages 6)

                4/ Les travaux pour la collectivité (page 6)

                5/ Indira, son remplacement (page 6), l’Ecole de couture (page 7)

                6/ Le dispensaire (pages 7 et 8)

                7/ Les Homes d’Enfants (pages 8 et 9)

                8/ Témoignage d’une amie pédiatre partie avec nous (pages 9 à 11)

                9/ Conclusion (page 11)

 

                Armez-vous de patience pour pénétrer dans cet univers exigeant, mais pas besoin de lampe frontale cette année car il y a eu de l’électricité 24/24h (quoique de tension parfois faible) au lieu des 6h/24 les années passées.

Pas de piolet non plus, car nous resterons sur les chemins (certes escarpés) mais entre 1 et 2000m d’altitude. Toutefois, restez encordés pour nous suivre dans ce voyage des 5 bénévoles* (souvent surpris et toujours émus de leurs rencontres) qui ont cheminé pour que l’Aide Française aux Enfants Népalais continue, au service de ces gens courageux, amicaux et souriants malgré leurs difficultés et leurs conditions de vie précaires. * Henri, 85 ans, le fondateur, sa compagne Françoise 68 ans, Daniel 68 ans, Betty 67 ans et Françoise B. notre amie pédiatre retraitée.

 

1/ LES FAMILLES

L’Afen va cesser d’aider 4 familles parce que leur situation a changé: fin de scolarité, déménagement ou  amélioration des conditions de vie de la famille (ex : le mari parti travailler dans un pays du Golfe envoie de l’argent, un des enfants travaille ou s’est marié, la mère a trouvé un emploi ou a ouvert un petit commerce…). Mais nous avons accepté 9 autres familles (soit 22 enfants en aide scolaire et  23 personnes en aide alimentaire). Plusieurs situations restent préoccupantes surtout dans le cas des grands-parents qui supportent leurs petits-enfants alors qu’ils sont quasiment sans ressources. Enfin, bien que la priorité de l’AFEN soit de scolariser des enfants pauvres, nous soutenons de plus en plus de personnes âgées très démunies avec leurs petits-enfants à charge ou non. Les mœurs changent rapidement et les fils qui devraient leur venir en aide (par tradition) ont disparu ; certains sont partis vivre ailleurs et n’ont plus donné de nouvelles, d’autres travaillent dans les pays du Golfe… ; pas de retraite, pas de prise en charge médicale, l’état ne prenant pas le relais,  la misère s’installe très vite. Nous fournissons ainsi une aide alimentaire à 20 personnes âgées isolées. Certaines, comme le couple Népali, ont tellement peur que leur maison s’écroule pendant leur sommeil qu’ils dorment sous la véranda ouverte à tous les vents.  Nous avons dû refaire un toit gravement endommagé et remplacer la porte d’entrée de Kali qui héberge sa petite-fille de 7ans. Sunwar, jadis malade de la poliomyélite et resté handicapé, se déplace dans fauteuil roulant vétuste, poussé par sa femme qui l’emmène parfois mendier en ville.

Nous essayons aussi quelquefois de communiquer autrement qu’avec des mots pour détendre l’atmosphère et leur apporter un peu de chaleur humaine; ainsi avec Bhim et sa femme, nous avons pris du plaisir à rire ensemble, en imitant chacun son tour, les cris  d’animaux de la ferme alors qu’ils sont quasi grabataires et souffrant de solitude.

Au-delà du don d’un châle chaud, d’une petite douceur (fruits, biscuits) nous essayons de nouer un contact chaleureux, d’entendre leurs inquiétudes et de les accompagner pour une fin de vie moins isolée et plus apaisée. Nous les quittons toujours le cœur serré en les confiant à leurs voisins; les reverrons-nous l’an prochain?

 

1-1 Présentation des nouvelles familles

1-1-1/ Bischop BK. L’an dernier, nous avions mis en place l’aide scolaire pour les 4 enfants de cette famille avec le sentiment qu’il fallait aller plus loin et, cette année, nous avons accepté de leur fournir, en plus, une aide alimentaire. Les parents, Ganga & Bishop ont 43 ans et ont 3 garçons et une fille âgés de 7 à 12 ans.

Abisek 12 ans passe en cl 6, Sumina 8 ans va en cl 3 et les 2 jumeaux Lasmalu et Ram 7 ans passent en cl 2.  Le papa handicapé (bras inerte, paralysé de naissance) travaille un peu mais ce n’est pas facile pour lui (un jour, nous le verrons  sur un chantier d’une maison en construction et un autre jour, en train de mener le buffle aux champs). La maman travaille dans les champs, s’occupe de la famille et des grands parents qui habitent une chambre à côté de la vieille maison en pisé traditionnel composée de 2 pièces. Si le gouvernement donne une très modeste allocation de 1000 roupies par mois aux handicapés (10€) encore faudrait-il que ceux-ci en connaissent l’existence pour pouvoir en faire la demande auprès de la mairie. Bishop va faire les démarches et nous l’abonnons aux quantités mensuelles des denrées suivantes qui vont l’aider à nourrir sa famille: 12 kgs de riz, 2 kg de lentilles, 2kg de riz aplati, 1 litre d’huile et 4 savons. Constatant le manque de couvertures, nous leur en réservons une ainsi que des serviettes de toilettes, des mouchoirs en tissu éponge pour les enfants et un grand châle bien chaud pour la maman sans compter les vêtements apportés de France et qu’ils sont venus essayer et  choisir au training center.

1-1-2/ Nanda Maya BK est venue nous voir plusieurs fois avec une obstination désespérée. Nous sommes allés chez elle pour connaitre ses conditions de vie et celle de ses  enfants, car la situation semblait embrouillée et méritait réflexion vu l’engagement d’importance et potentiellement de longue durée pour l’AFEN. Maya (43 ans), est mère de 9 enfants dont 5 enfants scolarisés âgés de 6 à 14 ans, les 3 aînés (Prem 21 ans, Upendra 19 ans et Tara 23 ans) travaillent loin et Kamala, 15 ans, serait chez une tante dans le Teraï. Le père Nanda, 54 ans (alcoolique) est parti il y a 7 ans. La maman a jusqu’ici assumé sa famille nombreuse mais, l’an dernier, elle a été gravement malade; elle nous montre ses énormes cicatrices abdominales. Elle ne peut plus faire de portage ni de gros travaux. Ils habitent une vieille maison traditionnelle, éclairée par 2 ampoules de très faible voltage; des lits simples, quelques couvertures, un peu de vaisselle. Les voisins-propriétaires nous déclarent qu’ils ont dû nourrir les enfants l’an dernier. C’est une famille éprouvée, Sabina, 14 ans cl 6, gère le groupe de garçons: Dipendra, 13 ans, cl 7, Dilip, 10 ans, cl4, Binesh 7 ans, cl 2 et Arje-Mondip, 6 ans, cl 1.  Arje est en fait le fils de Tara la fille aînée, mariée à 16 ans et que son mari a répudiée 2 ans après. Elle est partie travailler dans le Golfe (mais ne peut envoyer d’argent). Les écoles où sont scolarisés les enfants signalent un niveau moyen mais faible pour Dipendra plus intéressé par le football que par l’école. Nous décidons de soulager cette « mère-courage » en prenant en charge les frais scolaires et en mettant en place une aide alimentaire pour un an minimum : 15 Kgs de riz, 3kg lentilles, 3kg riz aplati, 1.5 l d’huile et 6 savons. Don d’1 couverture, de serviettes de toilettes et des vêtements aux enfants. Les voisins sont soulagés aussi de notre intervention et disent vouloir continuer d’aider cette famille.

1-1-3/ Le père de Nabila ADHIKARI, étudiante en soins aux animaux et travaux agricoles avait subi l’an dernier une opération du dos et nous avions payé la scolarité de sa fille car ses ressources ne lui permettaient pas d’y faire face. Malheureusement il est tombé d’un escabeau en s’électrocutant lors de la reprise de son travail il y a quelques mois: il reste handicapé et, de ce fait, nous prenons en charge 2 autres filles en cl 10 : Namrata 17 ans et Namuna 15 ans (excellentes élèves, dit l’école). L’une veut faire les mêmes études (18 mois) que Nabila 19 ans qui va les terminer l’automne prochain. Les élèves trouvent du travail à la fin de cette formation car c’est une spécialisation rare et de bonne qualité mais Namuna va continuer en cl 11 car elle a un bon potentiel. La dernière jeune fille: Nandita 10 ans, cl 6, n’est pas aidée, car le coût de sa scolarité est faible. La famille ayant un peu de ressources, il s’agit ici d’une aide ponctuelle et ciblée pour permettre aux aînées d’acquérir des connaissances professionnelles et éviter aussi des mariages précoces.

1-1-4/ La famille de Deepa SUNWAR habite près du monastère et du camp tibétain. La maman est âgée de 30 ans et habite avec ses 4 enfants dans une pièce minuscule et sans lumière. Son mari, Arkova, 40 ans, est porteur lors de treks au Mustang et gagne à peine de quoi survivre. Or, il est malade et ayant dû être opéré d’un goitre, l’emprunt pour payer l’intervention a fait basculer la famille dans la misère. Deepa est actuellement élève à l’Ecole de couture et travaille dans les champs ce qui est insuffisant. Les 4 enfants vont à l’école dont l’aîné, Jherem 12 ans, cl 7, repéré par une association comme très précoce, est placé en internat (boursier). Tilak 11 ans, cl 5, Laxmi, 6 ans cl 1 et Kusla 5 ans, maternelle, vont dans une école proche et semblent également très éveillés. Compte tenu de la précarité dans laquelle se trouve cette famille, nous prenons les 3 cadets en aide scolaire et la famille en aide alimentaire au moins pour un an afin de voir comment la situation évolue. Nous donnons 1 couverture, une mousse isolante à positionner sous le matelas d’appoint où dorment 2 enfants (il y a juste 2 lits et pas de place pour un 3ème) ainsi que des serviettes, châle et vêtements. Espérons que la maman pourra travailler comme couturière après son diplôme.

1-1-5/ Laxmi BK, 26 ans vient nous exposer sa situation; elle a un fils de 5 ans, Siri Krishna, avec lequel elle vit depuis le départ, il y a 3 ans, de son mari au Teraï (plaine du sud Népal). Il a été tué dans une rixe il y a 7 mois et ses beaux-parents dont c’était le fils unique, viennent de vendre la petite ferme où ils vivaient ensemble. Ils sont partis en les abandonnant tous les 2, sans argent, dans une bicoque en bambous/toit en tôle de 6 m² environ. Sa mère a pu lui acheter un lit mais elle-même est très pauvre et habite loin. Laxmi vit tout ceci comme une trahison et a besoin d’aide. Elle ne possède rien et n’a pas mangé depuis 2/3 jours, aussi nous lui procurons un colis d’urgence (riz, lentilles, huile, savon), lui donnons châle et pull  et promettons de passer la voir le lendemain. La réalité de cette situation est confirmée par les voisins. Prise en charge sur le plan alimentaire et scolaire pour Siri et Laxmi va essayer de travailler.

1-1-6/ Gita Paryar, 27 ans travaille dans les champs et élève ses 2 fils Rachil 10 ans, cl6 et Ranje 4 ans, maternelle. La famille s’en sortait jusqu’à présent car le père (32 ans) travaillait à Dubai et envoyait un peu d’argent. Il vient de rentrer avec des problèmes mentaux qui le rendent violent et inapte à un travail, même simple. Gita n’arrive plus à nourrir les enfants et nous acceptons de les aider (scolarités et nourriture) pour cette année car elle ne doit pas se décourager. (Cette situation est hélas fréquente et les conditions de vie proches de l’esclavage dans les pays du golfe provoquent de graves dépressions et des accès de violence chez les émigrés qui sont, en plus, expulsés vers leur pays d’origine dès le premier signe de faiblesse ou de maladie.)

1-1-7/ Pabitra Subede est âgée de 9 ans, cl 5, l’école nous demande si nous pouvons payer sa scolarité car elle a été recueillie par ses grands-parents sans ressources, ce que nous acceptons, mais nous n’aurons pas le temps de les voir cette année. Nous les rencontrerons l’an prochain pour affiner la situation sociale.

1-1-8/ Sormila Nepali, cette maman de 4 enfants de 4 à 15 ans se retrouve abandonnée par son mari, nous payons à l’école, les scolarités 2016 des enfants ainsi que les frais de la rentrée 2017 en attendant qu’elle trouve du travail.

1-1-9/ Suzy Lamcal, 60 ans, est notre voisine en face de l’école de couture. Pas très âgée, mais usée par une vie de travail, elle en paraît 15 de plus et vit dans une petite pièce à l’intérieur de la ferme de ses neveux car elle n’a pas eu d’enfants. Tant qu’elle arrivait à travailler de-ci, de-là, elle pouvait se nourrir mais elle est désormais trop lente car quasi impotente. Sa famille a déjà en charge 2 autres personnes âgées et avec leurs 3 enfants à élever, ils ne peuvent faire mieux. Elle ne touche pas d’aide du gouvernement car son mari n’a jamais divorcé (parti il y a 40 ans avec une autre, Suzy ne sait même pas s’il vit encore) et n’a pu obtenir de papiers. (C’est également une situation courante car les femmes n’ont pas d’existence propre reconnue.) Nous lui donnons une petite aide alimentaire mensuelle pour éviter aussi qu’elle ne soit rejetée de la famille qui l’a accueillie et la loge gratuitement.

1-2 Nouvelles de quelques familles suivies depuis 1 an ou plusieurs années :

Maya BK Ama, dame très digne, âgée de 68 ans et diabétique. Elle a récupéré -à 2 ans d’écart- ses 2*2 petits-fils de 7 à 16 ans. (Curieusement les garçons de 7 ans sont jumeaux et habitent la maison voisine de Bischop BK cf 1-1-1). Les  2 pères sont partis un jour et ne versent aucune aide, tandis que, sur les 2 mamans (filles de Maya), l’une a été assassinée dans des circonstances troubles il y a 5 ans et l’autre est partie travailler au Koweit (d’où elle envoie un peu d’argent). Par chance, les 4 gars : Suzan 16 ans, cl 10, Sumit 12 ans, cl6, Purban et Pitom, 7 ans cl 2 sont de bons élèves et sages. Ils aident leur grand-mère à soigner le buffle et cultiver le minuscule jardin. C’est leur seul rempart familial. Les enfants ont froid et nous leur fournissons 2 couvertures et des vêtements, des chaussures d’école pour Sumit, des tongs pour les autres ainsi qu’un châle à Maya et des serviettes de toilette. L’aide alimentaire est augmentée. Après notre départ, nous avons été avertis d’un drame familial et la pauvre Ama Maya a été blessée à l’œil qu’il a fallu opérer. L’AFEN a pu donner immédiatement l’argent nécessaire (11 000 Rp). Elle va bien maintenant. (Il n’y a pas de sécurité sociale, et si les consultations à l’hôpital sont peu chères, les opérations doivent être payées avant l’intervention –même urgente- ainsi que tous les frais: champs opératoires, pansements, produits anesthésiants ou désinfectants, piqures …! La nourriture et  le linge sont apportés par la seule famille)

Baisa Kumari BK est la jeune maman (29 ans) de 2 garçons de 8 et 10 ans que nous avons pris en charge il y a 2 ans en raison du très grave problème de cœur de l’ainé, Ramit, qui nécessitait une opération. Nous avions essayé à Katmandu & en Inde sans succès. Idem en France où nous avons présenté son dossier à « La chaîne du cœur» via un parrain-donateur: opération trop risquée car malformations multiples et opération trop tardive. Ramit (10 ans cl 4), va bien et vit normalement même s’il s’essouffle vite. Son frère Krishna 8 ans, cl 3, l’accompagne partout. Le papa Ram Bahadur (32 ans) est retourné travailler au Qatar et envoie un peu d’argent. La maman est rassurée de savoir que l’AFEN prend les frais médicaux de Ramit en charge ainsi que les frais scolaires. Nous lui donnerons aussi un châle et des vêtements aux enfants. Pas d’aide alimentaire que la situation ne nous a pas semblé justifiée.

La famille de Motilav SUNAR, intégrée l’an dernier, a déménagé au bord de la rivière sous le camp tibétain dans un logement gratuit donné par le gouvernement et n’a pas été facile à retrouver! Famille à l’organisation complexe (10 l’an dernier) et à « géométrie variable ». Cette année, il reste le couple de grands-parents + une autre femme âgée  pour s’occuper des 3 petits enfants: Sunil 9 ans, cl 4, Samar 5 ans et Susmita 3 ans en maternelle. Bref, nous maintenons l’aide alimentaire pour les 6 personnes présentes car la situation reste très précaire. Les 3 vieillards cassaient des cailloux dans la rivière et semblaient en meilleure forme que l’an dernier grâce à l’alimentation fournie. (Rappelons que les 2 pères + 1 maman sont partis depuis l’an dernier sans plus donner de nouvelles) tandis que la seconde mère est retournée dans sa famille au Térai avec Asenti, sa fille de 10 ans. Enfin, la troisième, couturière, vit avec sa fille de 4 ans Momota mais sans pouvoir aider ses parents car elle a dû faire face, elle-même, à une opération de calculs rénaux ; son mari travaille dans le Golfe mais envoie très peu d’argent.

 

La famille de Hupi Pum, a quitté l’abri dont le toit aux tôles mitées est finalement tombé en ruine (on l’a vu en passant) pour déménager en face de l’école de ses 3 enfants, bons élèves. Elle a bien des soucis, elle travaille à la tâche (champs, portage, construction de maison : transports de sable, brique, ciment…) et a besoin de papiers d’identité pour l’école de sa fille en classe 8. Impossible ici, elle doit aller à Gorkha (100 kms), son propre lieu de naissance, sans savoir si le bureau existe encore car situé sur l’épicentre du tremblement de terre de 2015. Son ancien mari est parti sans déclarer les 3 enfants et la mairie locale d’Hemja ne veut pas les enregistrer sans lui: kafkaïen. Nous lui assurons la continuité de notre soutien pour 2017: prise en charge des frais de scolarité, uniformes et matériels et maintien de l’aide pour la nourriture.

 

2/ Les ECOLES

Sur les 98 enfants scolarisés par l’AFEN, 5 sont en maternelle, 37 en primaire (cl 1 à 5), 36 en collège (cl 6 à 9), 14 en lycée (cl 10 à 12) et 6 suivent des formations professionnelles (2 en hôtellerie et 4 en agriculture). A la rentrée 2017, les classes obligatoires (cl 1 à cl 10) vont s’aligner sur la norme mondiale jusqu’au bac (cl 12) soit une prolongation de 2 ans. On ne sait pas encore si le SLC, examen terminal actuel (fin de cl 10) sera ou non reporté en fin de classe 12.

Hari Prasad School dont le directeur tout fier nous montre ses 3 nouvelles classes reconstruites après le séisme. L’an dernier, nous l’avions rencontré et il se désespérait car il lui manquait de l’argent pour reconstruire le dernier mur de façade: nous avions acheté le ciment nécessaire et cette année, il nous a montré la plaque de marbre où sont gravés les noms des donateurs avec leur participation : l’AFEN y était bien sûr! Nous faisons une grande photo des 80 enfants, revoyons la douzaine de jeunes pris en charge ici dont ceux de Bischop, Ama Maya et Baisa BK, et demandons aux professeurs de suivre leur niveau scolaire et application. Nous acceptons de régler en plus, les frais scolaires de 4 enfants de 4 à 15 ans très travailleurs dont la maman Sormila Népali vient de se retrouver abandonnée, le père étant parti avec une « jeunette ». Nous donnerons aussi les cahiers et crayons.

Nispachia où nous retrouvons également 11 jeunes suivis. Tous travaillent correctement et font de leur mieux sauf un jeune de 14 ans en train de décrocher, semble-t-il. Mais après enquête, il se partagerait entre 2 écoles car il a été « adopté » par une famille sans enfant, lui-même ayant 5 frères. L’un d’eux, Gopal, toujours soigné, 16 ans, cl 10, veut suivre une formation professionnelle de 18 mois en soins aux animaux et travaux agricoles. Ce sera possible s’il obtient son examen de fin d’études SLC (place retenue à la Bahara).

Bumeshor, nous voyons les professeurs et les élèves en classe et réglons les suspens et demandons des nouvelles de la marche de l’école et des 13 enfants de l’AFEN qui y sont inscrits (assiduité, travail, résultats…). Le directeur nous présente Ekumaya DHUNGANA, maman âgée de 33 ans dont les 3 enfants de 13 à 19 ans sont scolarisés là et qui peine à payer les scolarités. Je me suis bien fait re-préciser l’âge car elle aurait été mariée à 12/13 ans à un homme de 10 ans son aîné ! Le père, Bopichandra, 43 ans, est devenu récemment malade du cœur avec des difficultés à travailler. Dans un premier temps, nous proposons de régler à l’école, les frais scolaires des 2 jeunes filles de 13 et 15 ans qui sont de bonnes élèves mais non ceux du fils aîné de 19 ans (cl 11) qui doit travailler et aider ses parents dans les champs, d’autant que c’est un élève très faible et peu motivé. Nous les reverrons pour faire connaissance de toute la famille à leur domicile. (A revoir l’an prochain).

C’est une pratique courante que des familles en difficulté nous soient présentées par les écoles ou les travailleurs sociaux locaux (fonction bénévole souvent assumée par un professeur attentif aux autres). Ce sont des rencontres toujours émouvantes où nous essayons de comprendre le vécu de ces familles. Nous sommes très vigilants aussi les premières fois pour détecter les demandes masquées et qui s’expriment en fin d’entretien, lorsque nous partons. Les Népalais qui nous accompagnent ne sont pas là uniquement pour traduire, mais nous éclairent aussi sur les us et coutumes et soulignent les exagérations ou à l’inverse, les choses tues. Nous leur faisons confiance car nous travaillons avec eux parfois depuis plus de 20 ans et que leur jugement a été le plus souvent corroboré par la suite des évènements.

A l’école de la Bahara nous avons 14 élèves scolarisés dans des sections diverses car, outre l’enseignement classique, un centre d’apprentissage aux soins agricoles et aux plantes a été ouvert il y a quelques années. Surprise ce matin-là, l’école est vide ! Quelques professeurs attendent assis dans la cour: c’est la journée des rencontres parents/ professeurs ! Subitement, nous sommes pris à partie (en anglais) par un professeur*  si autoritaire que j’ai cru qu’il était devenu directeur. Il me dit que s’informer des élèves et de leur réussite comme je le fais, ne sert à rien puisque le gouvernement a décidé que tous les changements de classe seraient automatiques quel que soit le niveau de l’écolier. Il continue en disant que nous ferions mieux de nous préoccuper de faire installer l’électricité chez une vieille dame qui a recueilli sa petite fille de 7 ans et qui ne peut pas faire son travail le soir (il fait nuit noire ici à 18h). Un peu abasourdie par ces attaques vigoureuses pendant que les autres professeurs présents se sont esquivés, je lui demande s’il s’agit de Kali DHUNGANA, et si c’est le cas, je lui décris ce que nous venons juste de faire le matin même. C’est effectivement du ressort de l’AFEN, à savoir, rénover sa maison (toit et porte), lui fournir un nouveau lit et une couverture supplémentaire. Sans compter la prise en charge scolaire (depuis l’an dernier) et alimentaire depuis des années. Tek Nath, arrivé sur ces entrefaites, confirme que le problème de l’électricité par contre, est du domaine communal local qui ne peut (veut ?) rien faire depuis 5 ans. Finalement, nous allons avoir l’autorisation de tirer une ligne à partir du petit temple voisin et l’Afen prendra en charge le coût du matériel. Notre professeur irascible s’en va, dépité (* tous le craignent ici, nous glisse-t-on, car il est très vindicatif: pauvres élèves !) tandis que nous allons voir le directeur (qui ne parle pas anglais) et son adjoint qui, lui, le parle.

Au programme :

1/ Nous passons en revue les enfants de l’AFEN scolarisés ici (présence, assiduité, niveau et travail).

2/ Nous réglons aussi en plus, quelques scolarités « sociales » comme celles des 2 sœurs Adhikari en cl 10 (cf supra) et d’une autre jeune fille excellente élève: Pabitra Subede 9 ans, cl 5, qui vit chez ses grands-parents âgés et très démunis. Indira s’est chargée de payer, tout au long de l’année, les frais scolaires des autres enfants aidés par l’AFEN.

3/ Nous réglons aussi 1 mois d’internat sur les 3 demandés pour 3 étudiants en cl 10 (fin d’études secondaires) soit 3 x 9 000 Rp. Ces prix sont exorbitants pour les familles (égal au salaire mensuel d’une personne qualifiée), ce qui vise à exclure les enfants pauvres de la présentation à l’examen. En réglant 1 mois, ils auront leurs chances. Nous paierons ainsi, à ce titre, 68 000rp (680€) pour nos 7 élèves en classe 10 cette année.

4/ Nous préinscrivons aussi 4 jeunes sérieux des environs qui sont en cl 10 et 11 et qui voudraient suivre la formation professionnelle agricole (durée 18 mois), session qui commence en Aout après les résultats du SLC.

 

Nous procédons ainsi avec les 7 autres écoles où sont dispersés les 42 autres enfants. Tous vont à l’école proche de chez eux car ils vivent dans leurs familles. En plus de leur travail scolaire du soir, la plupart aident aux travaux des champs ou aux soins des animaux en dehors de l’école; ils sont aussi appelés à s’occuper du ménage, rangement et cuisine pour soulager leur maman ou grand-mère. Pas de télé, ni de jeux vidéo, jouets ou livres.

 

3/ Les COMMERCANTS

Avec les quantités en cause et l’inflation, nous examinons de près les dépenses et établissons aussi des comparaisons des prix par mois et entre les fournisseurs. 150 personnes bénéficient d’une aide alimentaire (soit 45 familles) pour 8 000€ (6.4 tonnes de riz, 1 t de lentilles et de flocons de riz, 480 l d’huile et 1 670 savons. En sus, pour les personnes âgées, nous donnons 180 kg de sucre, haricots secs et pommes de terre!

La nouvelle commerçante de Koramok qui avait repris la fourniture de l’aide alimentaire pour 15 familles lorsque l’épicier précédent a déménagé en cours d’année, nous a rassurés sur la poursuite du service aux familles. Cette jeune femme Gurung nous a paru très dynamique et motivée (part importante de son chiffre d’affaire, paiement régulier). Elle nous a assuré de l’ouverture permanente de la boutique car elle et sa belle-mère habitent sur place.

 Ramou de Milanchock nous a surpris cette année avec des prix de riz nettement plus élevés que les autres, qui seraient dus (soi-disant) à une qualité supérieure demandée par «ses clients». Nous avons dit que les budgets étaient basés sur des produits de qualité correcte mais non luxueuse et si certaines familles voulaient une autre qualité, ils devaient payer la différence ou accepter une réduction des quantités. Si nous constations un nouvel écart, l’an prochain, nous changerions de boutique. Comme il y a beaucoup de nouveaux commerçants au bourg et que la concurrence entre eux est acharnée, la menace devrait suffire à faire rentrer les choses dans l’ordre.

Pas de problème avec les 2 autres épiciers qui fournissent des familles éloignées.

4/ Les TRAVAUX pour la COLLECTIVITE

Nous avions été sollicités en décembre par mail, pour une aide concernant les abords du pont-passerelle de 86 m de long construit par l’AFEN il y a 13 ans au-dessus de la Mardi Khola et qui permet depuis à beaucoup d’habitants et  nombreux enfants de traverser la rivière en toute sécurité. Déjà nous avions refait les garde-fous en grillage spécial, il y a 3 ans en remplaçant aussi certains câbles et boulons. Mais il semblerait que les protections des berges et des piliers soient attaquées à cet endroit par le courant violent de la rivière et qu’elles nécessitent d’être refaites.

Nous avons rencontré sur place le comité et l’ingénieur junior qui s’occupe des infrastructures de la région afin de constater les dégâts et, ce faisant, de définir le meilleur moyen de protéger les zones qui sont menacés. En janvier/ Février, il n’y a pas beaucoup d’eau mais à la fonte des neiges et lors de la mousson d’été, ce large ruisseau devient un impétueux et dangereux fleuve. Le spécialiste a chiffré à 9 000€, les travaux de consolidation à faire en  saison sèche (l’autre devis fourni par la commune était de 3 000€). Il dit aussi que le pont n’est pas entretenu avec soin par les habitants et que le passage des bus, jeeps et autres véhicules dans le lit de la rivière quand elle est basse, a détourné le courant vers les berges. Sur place, nous voyons que c’est l’ensemble de la berge qui est menacée avec des maisons, une école et un centre de formation agricole. Dans ce contexte, nous restons perplexes et comme beaucoup de personnes nous disent que ce n’est pas à notre petite association de financer ces travaux qui sont du ressort du département, nous déclinons notre participation financière. Un comité local des usagers s’est constitué pour s’adresser aux instances administratives régionales tandis que l’AFEN se recentre sur les besoins individuels.

5/ INDIRA et son remplacement

5-1 Le départ d’Indira qui quitte l’AFEN pour partir travailler aux USA a été, pour nous, un choc car elle est LE pilier de l’AFEN en poste depuis 23 ans et ses responsabilités actuelles excèdent de beaucoup celles de ses débuts. Responsable et professeur de l’école de couture, elle est aussi la trésorière du dispensaire et assure la gestion des familles suivies, le règlement des scolarités et la distribution des fournitures scolaires. Bref, une délicate période de transition s’annonce pour que les activités continuent. Heureusement, les amis Népalais qui nous entourent ont parfaitement compris la situation et chacun y va de ses offres de service pour prendre en charge une activité.      Bishu Raj, va reprendre le poste de  trésorier d’Indira au dispensaire ainsi que la gestion des problèmes graves et urgents dans les familles. Professeur de maths apprécié au collège et propriétaire des locaux de l’école, il a développé aussi un grand intérêt pour les familles défavorisées depuis 10 ans que nous nous connaissons. Venant d’une caste supérieure, ceci est d’autant plus remarquable. En plus, il possède une moto, un téléphone mobile, un portable et l’accès à internet ce qui facilitera ses actions et nos échanges car il parle anglais (mieux que nous, en l’occurrence). Il supervisera aussi le nouveau professeur de couture. Tout semble bien se mettre en place et nous en sommes ravis car nous étions très inquiets de trouver « la perle rare ».

En ce qui concerne les frais scolaires de la centaine de gamins que nous scolarisons, c’est Betty qui va s’y coller et faire le tour de la quinzaine d’établissement en cause pour leur remettre le tableau de suivi des enfants aidés par l’AFEN. Chaque économe y portera les frais de scolarités que nous règlerons en janvier 2018, à notre retour. Les tarifs sont négociés avec les écoles pour ne pas subir des hausses de tarifs indues. Nous ne sommes pas des touristes à exploiter, avons-nous l’habitude de dire, mais des travailleurs sociaux qui demandons des prix « Népalais ». Cà marche ! Les 30 ans de présence comptent.

5-2 Ecole de couture

La sélection du nouveau professeur de couture qui a remplacé Indra début mars s’est faite avec méthode. Après avoir reçu 3 candidates dont 2 habitaient loin, nous en avons sélectionné une qui offrait les meilleures garanties. Chacune a passé un test (confection d’un pantalon d’uniforme) puis a été mise en situation de cours devant quelques élèves. Sur les 2 qui s’en sortaient très bien, nous avons éliminé la candidate dont l’état d’esprit ne correspondait pas aux buts de l’AFEN, à savoir permettre à des femmes pauvres d’acquérir des connaissances pour avoir un métier, devenir indépendantes et être capables de nourrir leur famille. Bien habillée et maquillée, assez prétentieuse voire condescendante, on ne la voyait pas accueillir non plus, avec chaleur et affabilité nos pauvres mamans ou leurs enfants si démunis.

Nous avons donc choisi à l’unanimité (l’équipe et les élèves) TEK MAYA qui est une ancienne élève d’Indira, diplômée il y a 5 ans et qui a monté une boutique-atelier d’apprentissage à Hemja même. Ces 2 activités n’étant pas compatibles, elle a cédé son affaire en février et s’est formée sur le fonctionnement de notre école avec Indira (budget, comptabilité et le suivi des familles). Tek Maya nous a confié qu’elle vouait une grande reconnaissance à l’AFEN car elle avait bénéficié de l’excellente formation gratuite d’Indira alors qu’elle était pauvre et qu’il lui paraissait légitime maintenant, de reprendre le flambeau. Cela lui sera plus facile puisqu’elle connait  beaucoup de personnes que nous aidons. Sa nouvelle situation lui assurera une promotion personnelle, des revenus réguliers avec des horaires plus compatibles avec l’éducation de ses 2 enfants de 5 et 9 ans d’autant qu’elle habite à 100 m. Elle a un mari charmant, chauffeur de taxi à son compte. Seul point noir, elle ne parle pas Anglais, mais promet de s‘y mettre (et nous, au Népali ? houlà là)!

Du coup, la fête de la cérémonie des diplômes a été empreinte de beaucoup d’émotion joyeuse car des élèves ont chanté des chansons de leur composition pour remercier lndira. Tout s’est terminé par un repas préparé par les élèves et des danses rythmées par les chants repris en chœur aux sons des tambourins et tambours des jeunes Gainés. Petites voitures, balles de tennis, peluches et bonbons ont fait le bonheur de la quarantaine d’enfants présents particulièrement sages pendant les 2h30 de la cérémonie avec la dizaine de discours et le défilé des 18 diplômées qui ont reçu leur beau certificat et 1 kg de laine + aiguilles …

Bishu Raj, le propriétaire des locaux qui assure la supervision des activités de l’AFEN, nous écrit régulièrement et confirme que tout se passe bien au training center et qu’élèves et professeur s’entendent bien. OUF !

6/ Le DISPENSAIRE

Voici maintenant des nouvelles du dispensaire construit en 2010, à la demande de la municipalité locale, mais sur les fonds et la maîtrise d’œuvre de l’Afen. Au fil du temps, le financement de celui-ci a évolué, l’AFEN reprenant la totalité du versement du salaire de la nurse (à plein temps), la participation de la municipalité étant très faible et aléatoire de surcroît. En échange, nous obtenions :

- a/ 2 places au bureau du comité de gestion du Health Post: le secrétaire, Tech Nath et la trésorière, Indira,  et            - b/ la tenue des comptes bancaires avec mention de tous les mouvements comptables, ce qui permettait, enfin, d’y voir plus clair et d’être sûrs du paiement régulier du salaire mensuel de la nurse.

En plus du salaire, l’AFEN règle les frais des gros travaux comme la construction du mur de soutien du talus qui surplombe le dispensaire et qui avait été très endommagé l’été 2014 suite à un éboulement pendant la mousson. Daniel et Henri assurent la maintenance des installations (branchement de l’eau, les peintures + petites réparations sur le mobilier et les machines). Ils ont toujours fort à faire entre les esprits malins qui montent à l’envers une gouttière, ou un robinet astucieux apporté de Paris qui a disparu au contrôle de l’année suivante. L’été 2016, les portes ont été forcées, les tiroirs abimés par des personnes en quête d’argent mais il ne semble pas qu’il y ait eu vol de médicaments. L’enquête de police n’a rien donné même si des rumeurs pointent du doigt des jeunes alcoolisés. Par ailleurs, les peintures internes et externes ayant été très abimées après la mousson, le Comité a pris l’initiative de tout repeindre en décembre. Hélas, les artisans n’ont pas été à la hauteur et ont travaillé sans soin, en laissant certaines pièces en chantier (pots de peinture renversés sur le sol, pinceaux non nettoyés et inutilisables, bavures de peinture sur les vitres, dans l’herbe… Soit un résultat décevant. Ils sont supposés revenir ranger mais nous n’y croyons pas. Heureusement, les 2 salles d’examen sont plus présentables. Courageusement, Henri a repeint et réparé chaises et bancs en bois, Daniel est monté sur le toit qui supporte le réservoir d’eau pour le remettre en état, les points d’attache des gouttières ont été consolidées. De son côté, Betty s’est attelé aux comptes et au bilan de l’année ainsi qu’aux statistiques des consultations (2 phrases à mettre). Ca va, le salaire a bien été versé, les achats et reventes des médicaments (à prix coutant) fonctionnent correctement, ce qui permet d’éviter aux patients de descendre à Hemja (2h à pied minimum aller-retour).

Par contre, nous avons appris que Bimala, la nurse, était enceinte de 6 mois et allait partir d’avril à juillet en congé maternité mais comptait reprendre son travail après. Il nous a été proposé une infirmière de l’hôpital local en remplacement mais nous sommes un peu sur le qui-vive car le ministère de la santé rendrait obligatoire la présence d’un aide pharmacien en plus. Notre activité modeste ne rend pas nécessaire cette fonction et on se demande s’il ne s’agit pas d’une manœuvre plus complexe. Dommage que cela se passe au moment où Indira part aux USA et que Tek Nath s’absente 3 mois visiter sa famille à l’étranger. Indira sera remplacée par Bischu Raj intronisé trésorier lors de la tenue du Comité fin février en notre présence. Professeur de Maths en collège, il est à l’aise avec les chiffres.

Dernière minute, Bishu Raj vient de nous envoyer un mail annonçant la naissance du bébé et le départ surprise, au bout de 6 semaines, de la nurse remplaçante, démission faisant suite à une agression sur le sentier par 2 jeunes. Vrai ou Faux ? Du coup, Bimala reprends son service plus tôt mais avec une compensation financière.

Le Budget 2017 verra une augmentation de la participation de l’AFEN de 24% en raison de la hausse des salaires des fonctionnaires d’Etat de l’ordre de 30% en 2016. Dans le domaine privé, ce n’est pas le cas, même si la pression est forte. Ceci serait rendu possible par l’établissement de taxes et impôts là où il n’y en avait pas encore. Du reste, nos activités ne sont pas à l’abri de telles perceptions bien que n’étant ni commerciales ni sources de profit (le dispensaire et l’école de couture sont gratuits pour leurs usagers). Nous avons dû payer cette année, à ce titre, un rattrapage des taxes pour l’école de couture depuis le début de son fonctionnement. Heureusement qu’elle était logée dans un petit village rural à cette époque, car effet rétroactif est de 23 ans (!). Nous avons pu négocier une réduction sensible de la somme (30 000 Rp (300€) au lieu de  80 000). Tout bouge beaucoup et nos informations partielles ne nous aident pas dans la prise de décision. Nous faisons confiance au bon sens et à l’appui de nos soutiens locaux qui veulent, avant tout, la pérennité de nos services.

7/ Les HOMES d’ENFANTS

7-1 Existant depuis plusieurs années, ce problème s’est accentué avec les tremblements de terre de 2015 qui ont mis en lumière des pratiques et des réseaux douteux voire mafieux. Des personnes peu scrupuleuses sillonnent les villages pauvres des campagnes et emmènent des jeunes enfants sous prétexte de les scolariser gratuitement dans un home en ville. Quand les parents se manifestent au bout de quelques mois, inquiets de ne pas avoir de nouvelles, ils s’aperçoivent que le home prévu n’a pas réceptionné leur enfant, voire qu’il est inexistant et perdent ainsi toute trace de l’enfant. La police répond à leur plainte qu’ils ont été victimes de bandes de trafiquants qui passent les frontières avec des faux papiers et des complicités et que les enfants ont dû être revendus comme esclaves dans des entreprises peu regardantes ou des maisons d’exploitants du sexe. Les rumeurs disent aussi qu’ils peuvent être utilisés comme donneurs d’organes ou servir à des expériences et tests de médicaments. Ces réalités effroyables sont combattues évidemment, mais avec de faibles moyens, d’où une surveillance étroite des homes d’enfants servant potentiellement de maisons de transit. Un certain nombre ont été fermés depuis 2 ans. Il existe aussi des articles dans les journaux et des campagnes d’affiches illustrées dénonçant ces pratiques. Mais cela n’atteint pas toujours les endroits les plus isolés, ni les familles pauvres, souvent illettrées, qui ont l’espoir d’une vie meilleure pour leur enfant alors qu’il va se précipiter dans un enfer. Trahison, incompréhension, culpabilité, souffrance et injustice pour toutes les victimes.

7-2 Dans ce contexte, nous avons visité le très grand home « Three angels » à Pokhara où notre jeune Ram âgé de 8 ans avait été placé l’an dernier par les services népalais de l’enfance, compte tenu des déficiences éducatives du père veuf, alcoolique et violent. Très difficile de pénétrer dans le home composé de 2 bâtiments distincts: l’internat où nous serons reçus dans le hall par la responsable de la dizaine d’enfants dont Ram fait partie et l’école où nous voyons 150 à 200 enfants de 5 à 18 ans participer à des olympiades. Nous pourrons rencontrer Ram quelques minutes en présence de 2 cadres de l’école dont le directeur (occidental). Ram nous reconnait, très intimidé, Indira lui parle en népali, il a l’air en bonne santé et est content des menus cadeaux apportés (crayons de couleurs et cahiers de coloriages). D’après le directeur, c’est un enfant sans problème, effacé et d’un niveau scolaire normal. Il porte l’uniforme de sport de l’école. Sa famille est interdite de visites, (même ses frères et sœurs d’après Indira) et il a été baptisé « Peter» bien qu’il hindouiste. Nous sommes dans une fondation évangélique US (vérifiée sur Internet, ce sont les Adventistes du 7 ème jour, doctrine biblique + secours humanitaire) mais le directeur élude les réponses aux questions, ce qui vaudra une lettre courroucée d’Indira au responsable du service social népalais du placement.

7-3 Nous avions proposé pour Ram, un placement au home d’ « Un toit sous l’Himalaya » que nous connaissons depuis longtemps car l’association UTSH, basée sur Yerres (91), existe depuis 1985 comme l’AFEN. Elle a construit une maison pour 40 enfants qui vont à l’école à Hemja, et est gérée par 2 couples népalais qui vivent sur place avec leur famille. Depuis mai 2015, nous sommes voisins car leur déménagement de Katmandu date des lendemains des séismes! Nous y sommes montés comme chaque année et avons retrouvé le président de l’association, François Bernot, en visite. Ambiance chaleureuse et familiale, les enfants participent à tour de rôle et avec beaucoup de bonne volonté à la marche de l’établissement (ménage, cuisine, lessive de leurs habits) comme dans toute famille. Ils font aussi sur place, du sport collectif (Foot et Taekwondo, sport de combat visant à  développer la maîtrise de soi) et s’occupent d’un potager planté avec l’aide d’étudiants français bénévoles de passage pendant leurs vacances. Enfin, les enfants retournent régulièrement dans leurs familles et sont ouverts sur l’extérieur en allant à l’école locale et en participant à des sorties et des compétitions sportives. (Plus d’infos sur le site www:utsh-népal.com).

8/ TEMOIGNAGE de Françoise Bitterlin, pédiatre en retraite

« Bien que grande voyageuse, je ne suis pas souvent partie dans un but caritatif pour accompagner mes amis de jeunesse (Betty et Daniel) comme ici au Népal où les infrastructures médicales manquent et sont d’accès difficile pour la population pauvre. J’ai pu aussi rencontrer mon filleul, Sabin, opéré du cœur en 2008 et âgé de 21 ans maintenant. Il est laborantin et recherche du travail. Il continue à vivre chez Sita, sa mère, veuve et Késari, sa sœur de 18 ans, lycéenne. Sa sœur aînée Puja est décédée subitement il y a 2 ans, elle avait 20 ans.

Aussi, j’ai été assez sollicitée tant sur le plan social (visite d’écoles, de familles) que sur le plan médical (visites d’hôpitaux et dispensaires, rencontres de soignants et bien sûr, soins et conseils aux familles). Voici un échantillon.

 8-1  Par exemple, devant donner mon avis sur un problème dermatologique de Meena, une des jeunes filles que l’AFEN scolarise, j ai pu consulter les ordonnances et en déduire qu’il devait s’agir d’une teigne mais impossible de valider mon diagnostic par un examen clinique car la jeune fille, absente ce jour là, est pensionnaire à Pokhara pour révision de l’examen terminal (SLC)! Dans ce contexte, j’ai dû me contenter des photos de Daniel mais le traitement onéreux mis en place l’an dernier (et payé par L’AFEN) est justifié et doit se poursuivre. Un peu plus tard, visite d’un petit gars glamour aux yeux verts qui vient montrer sa jambe : Daniel et Betty l’avaient vu il y a 10 jours avec des sortes d’ulcérations aux jambes pas très engageantes: tout se cicatrise bien. OUF !

Le jour de la grande consultation au dispensaire de l’AFEN à Kalika, montés en jeep, nous avons constaté qu’il n’y avait personne à l’arrivée. Donc, nous sommes allés prendre un népali tea dans une boutique proche pour masquer notre déception et à notre retour, surprise: une foule attendait qu’il a fallu gérer : 48 enfants à examiner, plus les parents et les curieux! Pendant que Daniel et Tek Nath distribuaient les vêtements de Bébés 0 à 3 ans, je voyais des enfants bien portants pour un bilan auditif et visuel. De leur côté, Indira et Bimala, la nurse pesaient et mesuraient tous les enfants puis déterminaient pour les petits malades si les médicaments étaient gratuits ou payants. Dans ce dernier cas, elles s’assuraient si les parents pouvaient participer financièrement ou non. Sur les 48 enfants vus, seuls 3 ont été adressés à l’hôpital. Tout le monde a été satisfait de cette journée marathon!

J’ai pu rencontrer aussi, SUSIL, étudiant de 4 ème année de médecine à Pokhara qui était très honoré et fier de me faire visiter le service pédiatrique de son « CHU ». Son père, Baburam, aide l’AFEN depuis 18/20 ans.

 

8-2 Un soir, nous sommes montés tous les 3 (Indira, Daniel et moi) dans un village Gurung, invités chez le chef de village Khadka GURUN qui est aussi le président du comité de gestion du dispensaire de l’AFEN. Comme dans beaucoup de familles, ses fils sont aux USA, Portugal et Corée, sa bru habite chez lui avec un (gros) bébé. Il a un « lodge » refuge pour touristes avec cinq lits (bien durs) et la TV. Il nous a offert un repas copieux et nous avons papoté autour du feu avec un peu d’alcool local. Il était très fier de nous recevoir et souriait avec bonhomie. Au matin, la vue que j’attendais sur le panorama superbe des Annapurna et du Machhapuchhare tant vanté par Daniel, n’était pas au rendez-vous, hélas! « Une autre fois, l’année prochaine », a-t-il dit! Avant d’entamer une longue descente par des petits chemins et escaliers de pierres à travers les restanques, ces parcelles de champs ou de rizières sculptées à flanc de collines comme dans toute l’Asie, parfois bien vertes, le plus souvent très sèches hors saison des pluies. En chemin, arrêts pour visiter les écoles (fermées ce jour là ! grrrr) et des familles étagées sur les pentes. Nous avons pu voir les familles au complet (pas d’école! Ah ah ah) et donner les cartes d’alimentation aux 2 familles absentes lors d’un précédent passage. (NB de Betty: Rappelons que ces cartes de l’AFEN portent au dos, les quantités de denrées personnalisées à fournir chaque mois par le commerçant attitré. Les quantités sont déterminées avec la famille en fonction de la taille de la famille et des besoins (riz, lentilles, huile, flocons de riz, savons au minimum), parfois sucre, thé,  haricots, oignons pour les plus âgés. Les 4 commerçants qui prennent en charge les 45 familles en aide alimentaire sont payés par trimestre à l’avance, sur la base de tarif convenu avec eux, calculé sur les prix moyens 2016 et les prix réels de février2017).

Mauvaise surprise arrivés en bas, pas de bus, ni jeep dans le fond de la vallée près de Bidawari: soit 2h de plus de marche sur la piste poussiéreuse, le long du fleuve: ouf ! Après 5h30 de « balade », nous voici rentrés à Hemja pour nous écrouler dans un lit plus douillet que la veille et bénéficier avant, d’un diner et d’une douche chaude solaire. Voici la vie des compagnons de l’AFEN, trekkeurs parfois malgré eux mais la rencontre de ce type de situation nécessite une bonne forme physique et une gestion du temps appropriée pour ne pas marcher de nuit sur la piste (très dangereux), et implique d’entamer impérativement le retour avant 16h (il fait nuit à 18h).       

Mais nous avons profité aussi de nos diverses visites « professionnelles » pour admirer les paysages, ainsi aux environs de Lumré: visite d’un petit moulin à eau en activité sur le bord du torrent et à coté d’un petit pont suspendu. Le ruisseau traverse le village, en partie à ciel ouvert et partie sous des pierres plates de la ruelle. Nous passons à l’école où nous sommes très bien accueillis par les enfants (heureuse diversion!) qui nous présentent de jolis bouquets de Rhododendrons rouge vif, fleur emblème du Népal (les premières de la saison).

8-3 A Koramok, pimpant village Gurung, nous avons rendez-vous avec Maya « India», une ancienne élève de l’école de couture qui s’installe à son compte avec l’aide de l’AFEN (achat d’une table, du fer, de la mercerie et matériels) et de Tech Nat pour une machine à coudre d’occasion. Elle va coudre une dizaine d’uniformes (pour soulager notre école de couture cette année, suite à l’augmentation de 20% du nombre d’uniformes nécessaires). Elle nous suit à l’école Hari Prassad où, avec l’aide du directeur, nous rassemblons les 10 enfants à « habiller ». Dans la salle des Profs, Indira et Maya procèdent à la prise des mesures pendant qu’avec Daniel, nous prenons un thé et des biscuits avec Bhudi, le gardien de l’école (handicapé) et lui aussi bénéficiaire d’une aide de l’AFEN.

8-4 Nous continuons à pied, seuls à travers les rizières vers la maison de Tek Nath à Bidawari, où nous devons déjeuner et il nous emmène, avant, visiter l’Hôpital du bourg; aux urgences, un malade allongé sur le lit est entouré de tout l’effectif: pharmacien, 3 infirmières, et 3 étudiants en médecine; nous montons voir les salles au 1er étage, totalement vides; on nous propose de rencontrer « le Directeur » qui « travaille » mais nous déclinons l’offre d’autant qu’il a une mauvaise nouvelle: il envisage en effet d’annuler sa décision d’aider notre dispensaire pendant  les 3 mois de congé de maternité de la nurse (2 étudiants en médecine devaient monter en moto à tour de rôle pour la remplacer). C’était, en fin de séjour, un coup dur pour L’AFEN; mais comme tous les ans, nous arriverons à trouver la solution de secours, il faut y croire, à suivre, donc…. Effectivement, le comité a trouvé une autre nurse sans qu’il y ait interruption de soins, mais cela nous coûte plus cher. Cf point 6

8-5 Notre dernière randonnée est réservée à la visite de Laatchowk où nous sommes seulement 8 dans une jeep (exceptionnel), et visitons le Health Post où  Bédhia (infirmière, fille de la famille Paudel et filleule de Betty) assure ce jour-là une consultation de planning Familial (pas de patient ce matin pour 4 professionnels (Betty était passée il y a 3 semaines et avait vu une dizaine de clients! c’est la loterie). Nous en avons profité pour visiter le lycée de Késari, la sœur de mon filleul Sabin, également aidée par l’AFEN. Retour sympathique et agréable, toujours à pied, le long de la Seti Khola et de la Mardi Khola vers Hemja (1h30). (traduction: Khola = rivière !)

8-6 La veille du départ, succession en rafale de visites des familles au Training Center, venant chercher les articles achetés au Népal (châles, serviettes, mouchoirs en (carrés d’éponge) et des vêtements pour tous, apportés de France. Ambiance bonne enfant et grosse pagaille mais beaucoup de sourires reconnaissants.

Bref, j’ai bien aimé et me projette déjà pour le programme des activités médicales de l’an prochain …. »

CONCLUSION

La mission des 5 membres de l’AFEN qui se sont succédés durant 10 semaines* est arrivée à son terme avec la résolution des problèmes exceptionnels de l’année (remplacement d’Indira qui part travailler aux USA, Congés de maternité de la Nurse ….) et l’accroissement des enfants envoyés à l’école et les familles nombreuses aidées. Il est difficile pour nous de refuser un coup de pouce essentiel pour des personnes dans la précarité. Nous nous arrachons à tous ces amis avec lesquels nous avons vécu des moments de partage enthousiasmant, surtout avec Indira (quand nous reverrons-nous?) et la famille Paudel qui nous héberge comme des membres de leur famille! Allons, à l’année prochaine! Haut les cœurs et œuvrons pour financer la prochaine année avec dynamisme et enthousiasme.

Comité de rédaction : Betty et Françoise G. et relectures assurées par Daniel, Françoise B., Henri et Martine

 

*Du 3 janvier au 10 mars : Francoise G, Henri, Betty = 6 Semaines, Daniel = 8 semaines et Françoise B = 3 semaines.

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